Ávila

Avril 1986

Février 85 : Jean-Louis Despeaux et moi rentrons de deux camps successifs à Veylats. Comme tous les ans nous avons passé quelques jours avec des jeunes scolaires du 2° cycle, puis du 1° cycle. Cela fait plusieurs années que nous le faisons. Même si ces camps ont été positifs, je ressens comme une certaine lassitude, une certaine usure. «Et si l’on faisait quelque chose de différent l’an prochain ? Un voyage, par exemple ! Tiens : Ávila que nous connaissons déjà, il y a des choses à exploiter avec des jeunes. »

Et vogue la galère, l’idée était lancée. Nous l’avons évoquée discrètement auprès des jeunes et des animateurs, comme pour tester. Puis au camp de rentrée au Moulin de Liche à Belin-Béliet nous avons projeté un montage audiovisuel sur notre pélé du mois d’août 85, montage qui se terminait par ces mots : « C’est ce que nous vous proposons de découvrir ensemble en allant en pèlerinage durant les prochaines vacances de Pâques. »

Quelques mois plus tard nous sommes en réunion d’animateurs dans la salle à manger (incolore et sans saveur) de la casa diocesana de ejercicios de Ávila. Il est déjà 23 heures ! Un jeune vient et nous demande : « Vous venez à la prière ou nous commençons sans vous ? » « Nous voilà, nous arrivons tout de suite ! » Et à trois couloirs de là, 87 jeunes entre 13 et 18 ans sont en silence, en prière à la fin de cette 2° journée à Avila. Comment en sommes-nous arrivés là ? Dans mon cœur émerveillé de voir la grâce de Dieu, je retrace les différentes étapes qui nous ont conduits jusqu’à ce jour :

Lundi 7 septembre 1985, dernier jour du camp de rentrée au Moulin de Litche, alors que se mettent sur pied différents programmes pour la vie des aumôneries cette année, nous essayons de voir  – Jean-Louis, Marie-Véronique et moi –  quel impact a pu avoir le montage audiovisuel projeté l’avant veille et le projet de pélé à Avila. Première surprise : dans chaque aumônerie, des jeunes semblent intéressés. Des noms sont pris pour assurer la coordination, pour prévoir le financement, pour préparer le carnet de route … La mayonnaise semble prendre mieux que prévu. « Même s’ils ne sont que quatre, nous irons ! » avais-je dit. Homme de peu de foi ! Il a fallu lancer une campagne de pré-inscription pour sensibiliser chaque aumônerie autant que pour évaluer nos troupes potentielles. Au 15 novembre, plus de 100 fiches étaient arrivées. Nous avons alors pris un mois pour l’inscription véritable et le 15 décembre nous décidions de partir avec deux cars de jeunes.

Le 22 décembre, nous les avons réunis avec les parents : « Attention, ne nous trompons pas sur le but ! C’est Santa Teresa que nous allons découvrir. C’est une femme de prière, fille de l’Eglise, réformatrice. C’est un pèlerinage que nous allons faire : Eucharistie quotidienne, prière commune matin et soir … » Suite à cette mise en garde, pendant que des groupes se formaient pour se répartir le travail de préparation, un jeune de 18 ans qui,à Pâques, devait partir au Portugal avec son équipe de rugby, a demandé à s’inscrire !

Nous avions pensé à Ávila que nous connaissions déjà. Mais il a fallu y retourner pendant les vacances de Noël. Ce n’est pas toujours simple de trouver nourriture et logement pour 100 personnes !

Pendant ces mois, les jeunes ont travaillé, surtout ceux de Bazas : stands au marché pour vendre des objets qu’ils avaient fabriqués, travaux dans les maïs en novembre, dans les vignes en hiver, économies personnelles … Nous avions demandé 500,00 francs à chaque famille. Certains ont donné davantage, le supplément a été couvert  par le travail.

Des animateurs et des jeunes ont passé du temps pour confectionner un carnet de route et un carnet de chants et de textes. Pierrette et Jean Barran ont prévu l’intendance et les pique-niques (ils feront tout le trajet en combi Volkswagen pour arriver partout avant nous et repartir après nous) L’itinéraire a été précisément défini. Les jeunes sont répartis en deux cars (50 en 1° cycle, 51 en 2° cycle) et 13 groupes de préparation qui restent fixes jusqu’à la fin du pèlerinage. Chacun, avec leur animateur, doit préparer et animer une journée. Parfois, nous serons 100, comme à la messe à San José de Ávila ; parfois 50, comme pour visiter Toledo, parfois par petits groupes habituels, d’autres fois par centre d’intérêt (Le Greco à Toledo, ou la synagogue) Tout ce que nous avons voulu prévoir l’a été. Ce qui n’a pas été prévu a été laissé en attente par volonté délibérée. Un signe : La veille, Samedi Saint, je cherche avec angoisse ce que j’ai pu oublier. Rien ! Et de fait, j’étais en avance et je n’avais rien oublié !

Dimanche 30 mars      Pâques

Il est 12 h 30 au presbytère de Langon. On a retrouvé Eric Chauché qui s’était trompé d’une heure pour prendre son train. Mais ceux qui devaient venir nous chercher, lui et moi, à la sortie de la messe, se sont eux aussi trompés et ne nous trouvant pas à Verdelais sont directement partis au Broussey où nous avions proposé aux animateurs qui le désiraient de déjeuner ensemble. Heureusement, Jean-Berkmans Ruellan était là pour récupérer ma voiture et a donc pu nous conduire à ce haut lieu de la vie Carmélitaine.

A 14 heures précises, alors que Jean-Louis dans un car, Pierre Biscaye dans un autre, comptaient et recomptaient, classaient … les cartes d’identité et diverses autorisations, Christine Guignard nous fait chanter dans la chapelle du Broussey : « La Parole est revenue ! » Les parents sont là, et toute la communauté des Carmes agrandie des novices qui sont de passage. Le Père Pierre-Marie nous parle de Thérèse, Marie-Véronique fait positionner sur une grande carte les fondations que nous allons visiter. A chaque citation, un jeune s’approche avec un flambeau à la main et vient se joindre aux autres dans le chœur de l’église. Le Père Pierre-Marie donne solennellement aux animateurs les carnets de chants et de route pour les jeunes de leur groupe. Puis c’est l’envoi. Après un ultime cafouillage, il faut bien qu’on se rode, nous voilà partis : Cérons, Villandraut, Route Nationale 10, Béhobie.

« Todos franceses ? « Si, todos ! » La pensée que Matthias Von Tiessenhaussen était avec nous m’a à peine effleuré à ce moment là ! « Es un colegio ? » « No, una paroquia » « Todos catolicos ? » « Si, todos ! » La pensée que le susdit correspondant de Stéphane de Vaucelles était Luthérien, m’a à peine effleuré à ce moment là ! Voilà une frontière aisément franchie. Arrêt pipi, pause café avec les chauffeurs, puis nous repartons. Je crois que personne ne s’est aperçu que j’ai raté la sortie de l’autoroute (40 km en rab, comme si on avait que ça à faire !) Et nous continuons vers Pamplona où, suite à une erreur d’indication, nous nous retrouvons au milieu des usines Volkswagen !

C’est tard que nous sommes arrivés à Estella, plus précisément al colegio Mater Dei, sur la route de Ayegui. Jean et Pierrette nous attendaient et nous avons donc pu manger tout de suite. Mais qu’est-ce qui m’arrive ? Ma voix se voile, s’embrume, puis disparaît ! Le Seigneur fait tout pour que je dise le moins de bêtises possible ! Ça durera deux jours ! Le repas pris dans la bonne humeur (Cathy rouspète parce qu’il n’y a pas de Tinto !) nous allons à la chapelle où Jean-Louis animera une courte prière. Soixante deux jeunes et adultes dormiront là. Les quarante trois autres suivront le directeur du collège du Puy qui, sur son vespa, est venu nous chercher vers minuit. Le retard accumulé pendant la journée se récupère sur le sommeil. C’est un des problèmes : Nous nous couchons à l’heure espagnole mais nous nous levons à la française !

Et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, c’était le premier jour     !

Lundi 31 mars

7 h 15 : debout là d’dans !

8 h : nous sommes tous rassemblés dans la chapelle de Mater Dei. Une dure journée de route nous attend, mais l’équipe qui a préparé la prière nous cite un beau texte : « … ne fais pas dépendre ton bonheur de mille et une futilités ! » Si je comprends bien, « solo dios basta ! »

Après un petit déjeuner rapide, les deux cars reprennent la route. Pendant que quatre lycéens vont dans le combi avec Jean et Pierrette pour faire la marché, le 1° car s’arrête à Burgos pour visiter la cathédrale alors que le second roule jusqu’à Duenas. Là, nous prenons le temps de visiter cette petite ville, de faire la causette ( !) avec quelques autochtones, peler les patates et faire la cuisine. Vers 15 heures, nous déjeunons, et vers 16 heures nous commençons à nous inquiéter du sort des autres qui auraient du nous rejoindre.

La CB nous alerte : Ils sont dans Duenas ! Une poursuite folle commence pour les rejoindre mais nous ne trouvons personne dans la ville. Ils étaient en fait sur la grand route. Dès qu’ils eurent commencé à manger, nous sommes repartis avec pour objectif d’arriver à Ávila et de s’installer avant que les 50 autres nous rejoignent. Nous y serons vite. Après un petit café dans un bistro en bordure de route, nous roulons et,  à la sortie d’un virage, Ávila nous apparaît. Tous ceux qui le voudront, la plupart, finiront à pied. Tout le monde est content, l’ambiance est bonne.

Josefina nous accueille à la Casa Diocesana de Ejercicios. La précipitation de son élocution n’a d’égale que celle de mon cerveau à ne rien comprendre. On y est quand même arrivés et quand l’autre car débarque nous sommes déjà casés. C’est alors un jeu d’enfant que de répartir astucieusement dans cette maison 87 jeunes, 14 animateurs, un matrimonio et deux conducteurs. Tiens ! Il faut que je laisse ma place à Didier. Josefina s’inquiète et m’installe en dernier dans la suite du Padre Director : bureau, chambre, salle de bain que j’aurais eu mauvaise grâce à ne pas prêter à quelques-uns. C’était la seule baignoire et puis … quelle eau bien chaude ! « Vie douillette et oraison n’étant pas compatibles », nous n’insisterons pas sur ce point. D’ailleurs, la cuisine est loin d’être extraordinaire. Heureusement, il y a la chapelle !

J’avoue ne pas me souvenir de ce qui s’est passé ce soir là. Ce qui est sûr, c’est que ce pèlerinage a été ponctué de temps de prière qui, si nous ne nous souvenons pas toujours du contenu, nous ont néanmoins nourris. Tout le monde est épuisé par la route et le silence s’abat sur cette maison.

Et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, c’était le deuxième jour !

Mardi 1° avril

Qu’ouis-je ? Des valses, de l’accordéon. C’est d’un goût ! Enfin … merci Josefina ! 9 heures : petit déjeuner (Quel café, mon Dieu ! Ce n’est pourtant pas un séminaire !) 9 h 45 : prière. C’est le groupe d’Éric, qui est aussi le mien à mes temps libres, qui anime et qui va présenter la journée. Nous avons essayé de préparer cela hier dans le car, mais il a fallu s’y remettre le soir et se coordonner avec le groupe du 1° cycle animé par Pierre Seguin. « Venez un peu à l’écart » Marc 6 aura été le support de notre temps d’oraison silencieuse, que beaucoup auraient aimé un peu plus long.

Puis on nous annonce que Mathias va nous présenter la journée. En face de tous, il se met à parler sa langue. Personne ne pipe mot, même les germanophiles, mais à la fin tout le monde applaudit. Ont-ils compris qu’il nous a en fait lu une recette de cuisine, une sauce mayonnaise, pour poisson d’avril ? Mais revenons aux choses sérieuses, on chante, on prie. J’allais oublier de rappeler le poisson d’avril fait à midi : « Changement de programme, faites votre valise, on part à Salamanca ! Certains ont marché. Ce sont les meilleurs !

Aujourd’hui le 1° cycle visitera le monastère de l’Incarnation où Teresa a passé 20 ans et qui est tout proche. Ils seront suivis des lycéens qui en attendant déambulent en ville. Beaucoup se retrouvent à la cathédrale et nous prions un «je vous salue Marie » devant la statue de la Mère de Dieu que Teresa était venue visiter au moment du décès de sa propre mère. La visite du monastère de l’Incarnation m’a beaucoup déçu. La douairière qui nous a reçus parlait vite, n’attendait pas que nous soyons tous rentrés dans la salle qu’elle commentait… Elle s’adressait en fait à un vol de bonnes sœurs Espagnoles qui avait exagérément gonflé le groupe. A la chapelle de la Transverbération, j’ai beaucoup transpiré pour tenter d’expliquer ce phénomène. Pour ma part, en plus, je crois que Teresa a fait un infarctus, un accident cardiaque, au moment de son union totale à Dieu. Elle a vu là un signe et, oserai-je dire, elle a eu raison.

Mais comme elle dirait, «quand il n’y a rien à manger, il n’y a rien ; mais quand il y a des grives, il y a des grives ! » Le temps libre d’une heure qui suit la visite va permettre de faire auprès des néophytes une rapide instruction  – ils ont assimilé bien vite ! –  sur l’art de prendre l’apéro. Qu’on se rassure, il n’y avait que les adultes, et les chauffeurs, ce jour-là, n’avaient pas à conduire. Ah ! Le Martini on the rocks con lemon y aceitunas ! La tête de Marie-Madeleine voyant que l’habitude locale est de jeter directement ses noyaux d’olive par terre !

Qu’avons-nous mangé à midi ? Je ne m’en souviens plus mais c’est un fait que depuis ce repas, le martini aidant, ma voix est enfin redevenue claire.

L’après midi fut consacrée à une visite de la ville par groupes. Avec Éric, nous sommes allés à la maison paternelle, sur les remparts, et nous étions tous à l’heure au rendez-vous pour un des temps forts de ce pèlerinage : El convento San José, première fondation de la Madre.

Entassés dans la petite chapelle, avec Yves Noël venu nous rejoindre avec quelques Bazadais, Jean-Louis présida la célébration de l’Eucharistie. Nathalie Luflade nous lut le chapitre 3 de l’Autobiographie où Teresa explique à ses filles pourquoi elle fonde San Jose de Avila : il s’agit de réunir une petite communauté fraternelle disponible pour prier pour l’église et le monde. « Le monde est en feu ! Ce n’est pas le moment de prier pour des choses de peu d’importance. »  Le texte n’a pas été très bien présenté. Dommage : nous y reviendrons une autre fois.

A la sortie, gag ! Benoît Laurans fait la grimace, jusque là, rien d’extraordinaire (pardon, ce n’est pas vrai !). Quelques jeunes malfrats Espagnols ont suivi son groupe dans l’après-midi, puis ils ont isolé Benoît et son copain Laurent Mesnard : bousculade, petite peur… rien de grave. Pendant la messe Benoît pense aux pesetas qu’il avait en poche : disparues ! « T’as pas du beaucoup prier pendant le reste de la célébration ! Moi, en tout cas, j’aurai eu du mal ! » Retour à la maison. A les entendre, une dizaine d’entre eux se seraient fait braquer au fusil mitrailleur, quant aux filles… ! En fait, c’est vrai que pas mal d’entre eux ont été suivis et parfois importunés par des jeunes (ha, ces jeunes !). D’ailleurs, trois  Espagnols se sont subrepticement introduits dans l’enceinte de la maison. Après avoir téléphoné à A.R.L. pour passer en direct au cours de l’émission Théophile enregistrée avant le départ (que le lecteur qui ne suit plus demande des explications à la rédaction !), après donc, je pars en combi avec Benoît afin de porter plainte au commissariat et je vois alors Frédéric se castagner allègrement avec l’un des trois susnommés. Voilà venu le moment de faire preuve d’autorité : « Fuera, fuera ! » criai-je en sortant du fourgon pour foncer dans le tas. Dieu soit loué, ils sont partis. Frédéric, tu n’as pas intérêt à te promener seul dans le quartier ! Et moi, je me demande si je n’aurai pas de problèmes au retour du commissariat.

La charmante inspecteur de police  -charmante n’est pas le terme exact !-  a pris en considération notre plainte, plainte formulée en mon nom d’ailleurs. Je signale à mes chers parents que ce n’est pas la première fois qu’un gendarme me demande leur nom, mais c’est la première fois que ça m’arrive en Espagne.

Après avoir récupéré un groupe parti faire des photos aux ‘Cuatro Postes’ sur la route de Salamanca nous avons pris notre repas dans la bonne humeur habituelle, mais, suite à ces événements malheureux, il y avait beaucoup d’excitation. Quand comprendrez-vous, jeunes filles et jeunes gens, que dans la vie ce n’est pas «tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil ! ». C’est bien de se faire des copains, c’est bien aussi de savoir garder ses distances. Et quand, avant la messe, j’ai refusé que vous invitiez ces jeunes pour la veillée de ce soir, j’avais raison !

La réunion d’animateurs (trop rare, mais l’horaire est chargé » est interrompue par les jeunes qui nous appellent à la prière ! Après du silence, et du vrai, les actions de grâces et les prières montent vers le ciel pour des choses vagues et générales puis, petit à petit, pour des événements et des personnes précises. Nous prions pour les voleurs. Matthias nous fait prier pour son «pays divorcé ».

Et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, c’était le troisième jour !

Il y eut un soir, il y eût un matin, mais plus ça va, plus le matin est proche du soir précédent !

Mercredi 2 avril

6 h ½. Jean réveille tous ceux du premier car. Tous ? Non ! Au moment de partir on ne trouve pas Jean-Louis. Puis c’est Pierre Seguin qui s’est endormi après avoir éteint son réveil. A 7 h 10 enfin, les jeunes du premier car partent pour Tolède. Les autres  dorment encore. Pas étonnant car, quand vers 1 heure je suis rentré avec les animateurs qui voulaient manger des calamars, il y eut un ballet grandiose visant à faire réintégrer sa chambre à chaque pensionnaire !

Karine Le Guen, pourtant du 1° car, reste avec nous. Le diagnostic de Marie-Véronique s’avèrera juste et le médecin de la clinique Ste Thérèse nous avertira des possibilités de contagion : varicelle !

Après la prière, chaque groupe est parti pour une dernière matinée dans Avila. J’en ai retrouvé quelques-uns à l’église Saint Vincent dont le portail a été sculpté par le même artiste que celui de Saint Jacques de Compostelle. C’était en quelque sorte son brouillon.

Après un déjeuner de midi pris de bonne heure nous allons visiter l’Escorial. Que de monde ! Un guide nous prend à part et rend la visite intéressante : monastère, palais, bibliothèque, panthéon, basilique. Tout nous replonge dans l’époque de la Madre.

Le soir, les collégiens sont arrivés alors que nous étions déjà à table. Quelle ambiance ! Un petit train est entré dans le comedor. La locomotive (de loco = fou, motive = qui fait bouger) ? François Pradens Bien sur ! Christine a regretté qu’on ne lui saute pas au cou, mais on essaiera de faire mieux la prochaine fois. Je crois me souvenir que la réunion d’animateurs fut animée, quoi de plus normal ? chaque groupe a conseillé l’autre pour la journée du lendemain puisque les uns allaient là où les autres étaient passés, et réciproquement. Après la prière, il y eût le couché. Quoi de plus normal là aussi ! Aucun animateur ne voulut sortir, il est vrai que la veille nous n’avions rien trouvé de ce que nous cherchions.

Et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, c’était le quatrième jour !

Jeudi 3 avril

C’est au tour des plus grands de partir de bonne heure et il s’agit de faire plus vite qu’hier. Mais à 7 heures, on cherche encore Didier notre chauffeur. Rien d’étonnant : sa collègue Marie-Mad lui a refilé le réveil qui, hier, retardait déjà. Les mêmes causes produisant souvent les mêmes effets, il arrive dans le car alors que nous y sommes déjà installés. Le combi a pris les devants pour nous attendre aux Toros de Guisando où nous déjeunons. Bizarres, ces trois toros monolithes datant de 7 ou 8 siècles avant Jésus-Christ.

A Tolède, nous commençons bien sur par le Carmel. Le groupe de Pierre Biscaye nous a présenté cette fondation dans le car. Au fait, nous avons gardé notre chauffeur, mais nous avons volé le car de Marie-Mad qui est équipé d’un micro en état de fonctionnement. Pierre nous parle aussi de Saint Jean de la Croix que ses ‘amis’ Carmes avaient emprisonné à Tolède pour ne pas qu’il les réforme !

Après avoir obtenu la clef de la chapelle et récupéré, à travers le tour de la sacristie, chasuble, hosties (formas) et tutti quanti, nous voilà prêts pour la célébration de l’Eucharistie.  N’ont-ils pas l’idée, ces chers petits, de me faire lire les cantiques de l’âme dans la nuit obscure de St Jean ? Non, rien ne les arrête !

Pierre Meunier nous raconte ce que St Jean a vécu à Tolède. On s’y croirait ! Placard à balais où il est enfermé, repas (pain et eau) au milieu du réfectoire chaque vendredi, évasion enfin par dessus les murailles. Sitôt la messe, nous avons le temps de faire un saut à la cathédrale. Tous étant partis rapidement, Pierre et moi nous nous retrouvons seuls dans les rues de Tolède. Nous avons du suivre un groupe d’anglais qui allaient eux aussi, comme c’est bizarre, dans ce lieu majestueux. Après un copieux pique-nique, le groupe éclate, qui à la maison du Greco, qui à la synagogue, qui… ce ne sont pas les centres d’intérêt qui manquent. J’irai pour ma part, après le café, à la synagogue Santa Maria la Blanca, la synagogue la plus importante lorsque Tolède comptait 12 000 juifs. Nous avons d’ailleurs chanté « Evenou shalom alehem » tout à l’heure. Heureusement que l’inquisition a faiblit !

Beaucoup ont profité de leur promenade à Tolède. Le retour en car fut joyeux. Notre chauffeur accepta de prendre la « circonvolucion », route qui fait le tour de la ville. Puis il fit des prouesses de savoir-faire pour que nous arrivions à l’heure, tant et si bien qu’il y eût des malades ! Durant le trajet, j’entends parler et j’ai des conversations qui m’émerveillent … témoignages de chrétiens, vocations, Dieu seul suffit … Seigneur, il se passe des choses !

Le soir à l’arrivée, quelques traces sur notre car, celui que l’on avait prêté à Marie-Madeleine, ont témoigné du sens approfondi du contact des participants à ce pélé ! Dûment scotché par Didier, le pare-brise tiendra son emploi jusqu’au retour.

Les animateurs ont besoin de se voir. Les jeunes feront le feu de camp avec seulement l’un d’entre nous. Beaucoup ont constaté ce que j’écrivais plus haut : les jeunes se posent beaucoup de questions importantes. Il y a quelque chose à ressaisir et nous décidons de consacrer la prochaine soirée à la réflexion. Pour préparer le travail, les animateurs de chaque groupe se retrouveront pour déjeuner. En rejoignant le feu de camp j’explique aux jeunes le pourquoi de notre absence. Pas de problème ! Prière, coucher.

            Quatre hurluberlus (Cathy, Eric, Marie-Véronique et moi) vont faire des photos dans la nuit. Nous avons réussi à coincer les doigts de Marie-Véronique dans la portière du combi. Ça faisait tellement mal qu’elle ne trouvait pas les mots pour le dire ! Il a fallu réveiller Marie-Mad à 1 h 15 pour prendre la pharmacie de campagne.

Et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, c’était le cinquième jour !

Vendredi 5 avril.

            Tous ensemble, nous allons partir pour Segovia. Le groupe de Sophie a prévu de nous faire parcourir à pied le premier kilomètre, pour être comme Thérèse qui partit du Carmel de l’Incarnation, où elle était assignée comme prieure pour aller fonder la communauté de Segovia.

            C’est donc en chantant que nous sortons de la chapelle. Il faut néanmoins faire une pause devant la porte de la maison diocésaine pour que les retardataires rangent leurs bagages dans le car. Puis c’est une troupe bon enfant qui monte la côte nous conduisant à la route de Valladolid. Depuis le croisement où il y a un calvaire le point de vue sur les murailles ne manque pas d’intérêt. En attendant les cars, la troupe chante et les photophiles s’en donnent à cœur joie.

            Segovia n’est pas loin. Nous arrivons directement à la Fuencisla où est sis le couvent fondé par saint Jean de la Croix. Si j’avais regardé dans le rétroviseur, j’aurai vu que le car des collégiens ne suivait plus … Nous nous sommes enfin retrouvés pour l’Eucharistie célébrée à la chapelle du tombeau de saint Jean.

« Pourquoi les gens se cloîtrent pour prier ? » Telle était la question à laquelle j’ai essayé d’apporter des éléments de réponse : Dieu peut saisir une vie – La prière est comme un levain dans la pâte – Elle est le signe que le monde ne se suffit pas à lui-même et que l’essentiel est invisible aux yeux. Mais nous aimons bien le visible, aussi demandons-nous si nous pouvons voir l’ermitage de saint Jean. « Si » dit l’un, «no » dit l’autre. Quelle harmonie dans cette communauté Carme !

            Pendant que les lycéens rejoignent l’hôtel à pied, les collégiens y partent de suite en car. L’après midi sera consacrée à la visite de cette magnifique ville : Aqueduc, cathédrale et le fameux alcazar qui servit de modèle à Walt Disney pour l’un de ses dessins animés mettant en scène un conte de Perrault. Bien sûr, à cent dans Segovia, on a vite fait de croiser quelqu’un de connu dans la rue. Et dans l’alcazar on se demande s’il existe encore quelqu’un qui parle castillan. C’est là que j’ai failli mourir d’une crise cardiaque en retrouvant Guillaume Castera et Matthias Von Tiessenhaussen à califourchon sur un créneau du donjon ! Ça va pas, non ?

            Le soir ce sont d’autres hauteurs qui sont atteintes, le fruit de la cogitation des animateurs et du travail de l’Esprit Saint : Les deux groupes ne logeaient pas ensemble. Chacun d’eux proposait des carrefours avec un thème précis : Prière, Eucharistie, vocation, Eglise. Nous avons conclu par une mise en commun. Rien n’est terminé d’ailleurs, puisque l’Esprit Saint continue d e travailler nos cœurs. N’eussent été les Basques du Sud qui coupaient le courant électrique où pénétraient bruyamment notre assemblée, la réflexion était très intéressante.

Tiens, cela fait le troisième que je vois s’endormir sur sa chaise !

Et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, c’était le sixième jour !

Samedi 5 avril 1986

            C’est le jour des retards, c’est celui où le Seigneur exerça ma patience, et non seulement la mienne, mais celle de tous ! Le banquier était long à compter les billets qu’il échangeait à Jean-Louis et Cathy. Enfin, nous partons, après avoir réglé l’hôtel + I.V.A., magnifique invention du percepteur ibérique qui n’a qu’à pomper sur ses homologues Européens.

Tiens ! Un car jaune est arrêté au bord de la route. Marie-Mad, où plutôt le car qu’elle conduit, a une fuite d’air qui du coup n’est plus comprimé (l’air !). Mais l’endroit est idéal, nous allons pouvoir jouer sur le dépôt d’ordures qui borde la route pendant que Didier, le Bernard Tapie de la mécanique, répare ce petit inconvénient. Le pot d’échappement ayant touché le sol ségovian, sa chaleur est allé se communiquer à des tuyaux autrefois abrités !

            Mais : « Un pèlerinage, c’est un pèlerinage ! » comme dirait Pierre Meunier dont le groupe, conjointement avec celui de Marie-Véronique, avait préparé la journée. A 6,2 km de Duruelo, nous nous arrêtons car c’est à pied que nous finirons. Le vent est glacial sur cette terre déserte. Duruelo, morne plaine ! les béatitudes nourriront notre prière pendant cette marche silencieuse seulement coupée par une halte en petits groupes. Matthias nous apprend que les luthériens ont une liturgie annuelle du pardon, avec aveu personnel. C’est l’occasion pour certains de célébrer le sacrement du pardon. En même temps qu’une pluie de grâces, une autre, bien mouillée celle-là, s’abat sur nous. Quand je pénètre dans la chapelle du Carmel des femmes je suis une fois de plus surpris par le silence et la prière des jeunes. Il est plus de 15 heures …Tiens ! La sacristie est fermée. Je vais au tour d’entrée. Quelle barbarie que ce tour où il faut s’expliquer en face de quelqu’un d’inconnu et d’invisible ! Les sœurs n’ont pas été prévenues : « Voy a ver a la madre superiora ! » me dit mon interlocutrice. Les minutes passent. J’entends la communauté des jeunes qui chante, qui prie. On me donne enfin les clefs de la sacristie. Le groupe semble content de me voir rentrer. Pierre et Jean-Louis ont déjà commencé la messe. Et rebelote, comme dirait Marie-Jo ! c’est au tour de la sacristie que je vais devoir m’expliquer : « Formas ? » « Si » « Cuanto ? » « Cien »           C’est la panique au couvent : 100 hosties ! J’entends que dans la chapelle les prières d’action de grâce montent vers le ciel. J’ai enfin la patène, une hostie et le vin. Pierre et Jean-Louis font l’offertoire. J’arriverai avec les autres hosties avant la consécration, où les trois aumôniers se mélangent les pinceaux et doivent s’y reprendre à deux fois. Ecclesia supplet ! disaient nos pères. J’ai du mal à contenir un fou rire nerveux. « Un pélé, c’est un pélé ! » Nous dit Pierre pour introduire un temps de silence après la communion. Tous ne mouraient pas mais tous étaient frappés. Tout particulièrement Guillaume Dionis qui ne rentrait pas en extase, non : il tombait dans les paumes ! A 17 heures, nous mangions les pois chiches et le pâté de sanglier. Il pleuvait dans nos bols, bols qui, par mégarde, ont terminé leur courte mais glorieuse carrière dans le dépotoir de Duruelo. Quand on met autre chose que des ordures dans un sac poubelle, on prend garde de le signaler !             Ce soir c’est la détente. Nous passons à Alba de Tormes pour déposer nos bagages à l’hôtel. Pardon Santa Madre de ne pas passer plus de temps sur le lieu de votre sépulture !             A Salamanca, les groupes se dispersent, chacun cherchant un restaurant. Mais nous sommes arrivés trop tard et les jeunes n’ont pas beaucoup cherché, ce qui nous a obligés à rallonger l’allocation prévue pour chaque groupe, sans compter ceux qui se sont fait truander. Truander Benoît Duprat, il faut le faire !

La chance est avec nous. Salamanca abrite une rencontre de tunas. Tous ces étudiants chanteurs sont de noir vêtus. Des franges de couleur tombant sur leur épaule gauche égayent leur costume. Les filles prennent plaisir à se faire photographier avec eux. Ce soir aussi, certains d’entre nous prennent des coups, mais les rendent : Evangélique tout ça ! Dommage, il faut rentrer. Malgré les précautions prises pour garer le car, celui que conduit Marie-Mad (Ils s’acharnent !) a été visité. La police étant intervenue à temps, grâce à l’appel de nobles citoyens, il n’y eut qu’un grand désordre sans vol.

Et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, c’était le septième jour !

Dimanche 6 avril

            Certains se plaignent de n’avoir que de l’eau froide, mais d’autres n’ont rien. Si quelqu’un a de l’eau chaude, qu’il se signale, c’est une anomalie ! Mais, «un pèlerinage c’est un … » comme dirait l’autre.

Ce matin, nous repartons tous en groupes à travers la ville, avec deux objectifs :

  • La célébration dominicale. Le dimanche, les chrétiens d’un même lieu sont invités à se rassembler. Nous allons donc à la messe dans différentes paroisses prier avec des salamancais. Les jeunes avec qui je suis sont inquiets : trente-trois  minutes de messe dont dix minutes d’homélie ! Inacceptable pour eux, et ils ont raison.
  • La visite de la ville. Nous aurons juste le temps d’avoir envie d’y revenir ; il y a tant de belles choses : la maison aux conchas, l’université, les cathédrales, la plaza mayor …

A une heure, tout le monde repart déjeuner à Alba, au restaurant, en silence s’il vous plaît pour ne pas entendre Eric présenter la fondation de Medina Del Campo. Justement, Jean-Louis et moi sommes déjà partis à Medina. J’y étais passé à Noël et nous avions envisagé une rencontre avec la communauté Carmélite. Derrière le tour  -ah, ce tour ! –   une voix me propose, en français, que nous nous retrouvions au parloir. « Ma sœur, nous avons vu des Carmels, c’est la première fois que les jeunes vont voir des Carmélites. » Elle est gentille la sœur, mais quel débit. Vers 16 h 15 nous envahissons les deux parloirs : l’un où la conversation se fait en Français avec plusieurs sœurs dont une seule parle français. L’autre où la conversation se passe en castillan. Nous sommes en fait dans la salle d’exposition des reliques, dont une «manta con un vomito de la Madre ». Les jeunes questionnent la sœur sur l’emploi du temps d’une journée, le temps de formation pour devenir Carmélite … On parle du peu d’ouverture des carmels espagnols que nous avons vus. La sœur est d’accord et souligne les grandes différences qu’il peut y avoir d’un Carmel à l’autre. Au début, nous avions chanté «gloria senor Alléluia ! Pour finir nous reprendrons en chœur «nada te turbe !»

La sœur est en extase ! Je remplis le livre d’or où j’ai déjà écrit lors de précédents passages et j’invite la communauté des sœurs à prier pour nous, pour que chacun grandisse en répondant à l’appel de Dieu. Adios, petite sœur, et hasta pronto !

            Les cars ont repris la route vers Burgos. Nous y serons dans les temps. Les lycéens mangent et dorment à la Casa diocesana de ejercicios. Nous les débarquons Calle del Cid Campeador d’où ils finiront à pied. Avec le combi je cherche, suivi par les cars, la calle de la Constitucion Espanola. Il fait déjà nuit. L’accueil des Dominicaines est remarquable. Je dois reconduire les chauffeurs au parking central et les ramener ici. Cathy me donne ce qu’il faut pour leur payer l’apéro en ce dernier soir en terre espagnole. Nous sommes allés vers la cathédrale, superbe, tout illuminée dans la nuit. Quelle grâce, quelle finesse ! Nous mangeons des Mejillones. Les chauffeurs, Marie-Mad et Didier, l’ont bien mérité. Nous aurons fait 2200 kilomètres en 9 jours. Didier a toujours fait front avec bonne humeur et réparé tout ce qui avait besoin de l’être. Ils ont accédé à toutes nos demandes sans jamais rouspéter devant nos hésitations sur l’itinéraire à prendre. Je ne sais s’ils garderont un bon souvenir de nous, mais nous sommes heureux de les avoir eus comme conducteurs.             Vers 23 heures nous rentrons à la maison. Les sœurs ont gardé notre repas au chaud.

Puis, c’est la veillée : on chante, on s’amuse. Eugénie et Stéphanie font un sketch terrible inspiré des «frustrés » de Claire Bretécher. Cathy s’est engagée à ce que la maison soit silencieuse, rapport aux jeunes espagnoles qui reprennent l’école demain. Je n’aime pas les dernières nuits. J’insiste auprès des jeunes pour que le calme règne et que le sommeil arrive ! La prière à la chapelle est pleine d’ardeur, et je suis obligé de faire signe à Eric : il n’y a pas que ça à faire. Chacun se couche en paix. Je dors, mais mon cœur veille. Cathy m’a demandé de choisir l’Evangile pour demain. « Donnez-leur vous-mêmes à manger ! » dit Jésus dans le récit de la première multiplication des pains en St Marc. Mes paupières sont lourdes.

Et Dieu vit que cela était bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, c’était le huitième jour !

L’aube se lève sur le neuvième et dernier jour.

Lundi 7 avril

7 h 55 et il y a déjà embouteillage à la douche. Courir pour s’habiller. Courir pour amener Didier au parking. Courir au Carmel pour demander de pouvoir célébrer l’Eucharistie vers 11 h 30. Récupérer Didier, déjeuner vite, quand enfin vient une pause : la prière, ouverture sur cette dernière journée de pèlerinage en terre espagnole. La matinée sera consacrée à la visite de la cathédrale pour les lycéens et à la promenade en ville. On écrit les dernières cartes  postales, dépense les dernières pesetas et nous nous retrouvons au Carmel pour l’Eucharistie.             Nous sommes gâtés : cette chapelle est la plus belle que nous ayons jamais eu. Les sœurs sont émerveillées par notre groupe. Est-ce la fin du pélé ? Non ! Nous avons appris que la vie chrétienne est pèlerinage, alors marchons ! Et soyons exigeants les uns pour les autres, l’Eglise et le monde ont besoin de nous. A la sortie, nous nous inquiétons d’avoir perdu Matthias et Valérie D., d’autant plus qu’ils ne savent pas où l’on mange. Au moment où jean téléphonait au commissariat, Pierre et Eric, leurs animateurs, les ramenaient. Ils avaient eu la bonne idée, nous ayant perdus, de revenir à la cathédrale. Le luthérien est retrouvé, béni soit Dieu ! Par contre, nous ne nous sommes pas fait de soucis pour Isabelle Alfonso et Marie-Neige Videau car nous ne nous sommes pas aperçus de leur disparition ! Une page du carnet de chants, tombée sur le trottoir, leur indiqua la route à prendre pour nous retrouver. Authentique !

            Je ronge mon frein. Il est 15 heures et nous décollons avec une heure de retard. Nous roulons sur l’autoroute et la moyenne horaire est bonne, les arrêts réduits au minimum. Quand : Patatras ! Un car jaune est garé sur la bande d’arrêt d’urgence. Et une fuite d’air comprimé, une !  Nous sommes à quelques kilomètres de San Sebastian, il est plus de 18 h 30. Didier démonte la pièce défectueuse et nous fonçons en combi acheter ce qu’il faut. A 19 h 30, nous repartons. Avons-nous fait 15 kilomètres ? Je ne sais. Rebelote. Nouvelle fuite, nouveau raccord. Didier s’énerve. Nous téléphonons à Langon pour dire que ce n’est pas la peine de nous attendre. Qu’on nous garde seulement de quoi manger et si certains veulent attendre, qu’ils le fassent dans la bonne humeur. Les râleurs, au lit !             Sur le parking de la station service où nous sommes arrêtés l’ambiance est bon enfant. Les jeunes sont plutôt contents de retarder l’heure de la séparation. « Gérard », me dit Jean-Louis, «je te félicite. Depuis 7 ans que nous faisons des camps ensemble, il y a toujours une panne. » Merci Jean-Louis ! Chacun écrit ses pensées profondes sur les espaces blancs du carnet de route. Il y a des choses intéressantes, d’autres cocasses.             Au passage de la frontière, nous larguerons Eric qui rejoint Guétary. Je cours d’un poste à l’autre. Les C.R.S. dorment, les douaniers ne bougent pas. C’est la volante qui arrêtera Mari-Mad quelques kilomètres plus lopin.

            L’arrivée à Langon est délirante. Il est 1 h 30. Sous la direction de Galinero (Christine Guignard), juchée sur les épaules de Nicolas Belloc, nous chantons « Gloria Senor ». Les parents ont passé une bonne soirée. Ils ont offert un livre à Marie-Véronique pour la communauté et un autre à Jean-Louis et à moi, pour la communauté. Le titre ? « Sur les chemins de St Jacques de Compostelle » !

Dieu vit tout ce qu’il avait fait : cela était très bon. Il y eut un soir, il y eut un matin, c’était le neuvième jour !

épilogue

Au delà des multiples péripéties, au delà de l’Espagne que j’aime, au delà de Teresa et de Juan de la Cruz, c’est le fait que nous nous soyons exposés ensemble à la grâce de Dieu qui m’a marqué et qui a marqué, je crois, chacun de nous.

            Oui, le Seigneur a un projet pour nous dans son Eglise ; oui, il veut rencontrer chacun de nous personnellement pour le lui dire ; oui, les uns et les autres nous devons continuer à nous aider pour le reconnaître.

Neuf jours où la prière et la bonne humeur, la vie commune et l’attention aux autres, aux choses et aux personnes, ont dominé naturellement. Ce sont neuf jours de grâce, une grâce qui doit continuer à porter des fruits.

Alingo

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