9h 25, Françoise et Bernard Fontaine arrivent place André Meunier. Ils se penchent sur mon épaule pour voir le titre du livre dans lequel je suis plongé. Je suis déjà là depuis un bon moment ce samedi matin, après être passé au marché des Capus pour faire des courses que je n’aurai pas le temps de faire le lendemain.
« Mince, c’est le livre que je comptais offrir à Jean-Louis ! » ‘Rien ne passe, tout s’oublie’ est le titre du dernier ouvrage d’Emmanuel de Waresquiel, sans doute prédestiné, à moins qu’il ne soit contradictoire, pour ouvrir les festivités auxquelles nous sommes conviés pour fêter l’anniversaire de l’aîné de mes frères, Jean-Louis, né le 1° mai 1945 cours de La Marne.
Arrivent ensuite Josy Picard qui me reconnaît, ainsi qu’Emmanuel Daurel, vieille connaissance puisque je me souviens être monté avec lui vers le refuge de la Glère et être allé au Turon du Néouvielle en 1972.
Peu à peu arrivent Mathilde, Paul-Henri et Aurélie, Pierre-Etienne, puis Nathalie son épouse et d’autres de la famille proche pour que nous puissions partager café, jus de fruits, sans oublier les kouglofs de la boulangerie-pâtisserie Valentin, célèbre à Bordeaux.
Arrivent aussi Bernard et Yolande, Agnès Hocquellet et son neveu.

Voilà Jean-Louis, casquette sur le crâne pour se protéger du soleil du jour. Il prend rapidement sa place pour faire se rencontrer les premiers qui ont répondu à l’appel, qui pour certains ne se connaissent pas, pour d’autres ne se reconnaissent pas du premier coup. Tout le monde semble à l’aise et heureux, chacun trouvant sa place dans les relations ainsi reconstruites.
Nous partons ensuite vers la Basilique Saint-Michel en passant devant l’église Sainte-Croix où Jean-Louis nous rappelle les polémiques nées de la restauration de l’édifice entre 1861 et 1865 : fallait-il demander à l’architecte Paul Abadie de construire un deuxième clocher et donc remanier la façade ? La question, quoique résolue, est encore propice aux débats plus ou moins inspirés.
Nous arrivons sur le flan sud de la Basilique Saint-Michel, rue des Allamandiers, du côté de la maison où notre cousine Anne est née en 1949 et la voici d’ailleurs qui rejoint le groupe. On évoque aussi le chat « Faure », drôle de surnom, qui fut trouvé là et adopté avec mission d’attraper les souris rue de Belfort. Il est mort noyé dans le puits de Vertheuil où habitaient alors mes grands-parents de la Villejouan.
Au pied de la flèche en travaux, en se faufilant entre les camions des commerçants du marché nous nous retrouvons avec ceux qui nous rejoignent à cette étape, Esther et Mathis et des amies de Mathilde, et peut-être d’autres. Jean-Louis nous rappelle l’importance des vitraux créés dans les années soixante suite aux bombardements du début de la dernière guerre. Ils auraient pu tomber à nouveau sous la puissance de l’orgue que joue Ryan Garbay, jeune organiste à Sainte-Geneviève où j’officie un dimanche sur deux. C’est pour beaucoup une surprise et nous restons recueillis pendant quelques minutes pour ce concert bienvenu dans cette église où avec Anne-Dominique la famille est venue participer à la vie paroissiale, tout particulièrement dans les relations avec des Portugais habitants ce quartier dont la population évolue encore. C’est pourquoi ce lieu avait été choisi pour les obsèques de l’épouse de Jean-Louis alors qu’après avoir habité à Sia dans les Hautes-Pyrénées ils venaient de revenir à Bordeaux.
Les remerciements faits, et bien faits tant la prestation de Ryan était convaincante, nous partons pour les Capus. C’est après avoir traversé une formation musicale nous mettant dans une tout autre ambiance que nous approchons l’étal d’huîtres de Marennes à l’entrée nord du marché. Je traite l’affaire avec le taulier qui fait face au poissonnier et il nous prépare quelques huîtres et une bouteille de blanc des Charentes-Maritimes tout en se questionnant sur ce qui peut bien justifier cette troupe qui semble alors menée par quelqu’un qui lui parait familier : « Mais je vous ai vu quelque part ? Bien sûr je viens souvent acheter des huitres, chez votre voisin ! »
Michel, autre frère arrivé avec sa femme Paulette, en rajoute avec Bernard, autre cousin venu avec sa femme Yolande ; et moi de sortir des verres à moutarde de mon caddie alors que la famille Faure AbuZaideh nous rejoint, Raïd, Cécile, Line et Dalia…
Là, nous nous égarerons un peu. C’est l’option rue Elie Gintrac ou cours de la Marne. Ce passage nous rappelle que mon oncle Pierre a tenu commerce sur la place, sans grand succès, et que nous passons devant le bâtiment universitaire anciennement clinique où naquit mon frère, avec succès.
Rue de Saintonge, nous approchons des lieux historiques où la famille, en commençant par mes grands-parents, et peut-être même mes arrières, vécut locataire de longues années. Pour mes parents, d’abord au 118 rue de Belfort où Michel est né en 1947, puis au 104 où je vis le jour après qu’ Henri et Antoinette Jouan de la Villejouan aient laissé la place dans cette maison inconfortable, surtout pour ma mère. Nos parents remirent les clés au propriétaire en 1978. Environ 40 ans de loyer. Mais grandis là, nous étions très autonomes et piétons, notre père ayant passé son permis de conduire après son fils aîné. Traction Citroën 15 ch, Chambord dont on entendait le bruit de l’essence passant dans le carburateur, 404 noire, 404 verte ont stationné dans le quartier à une époque où les places de parking étaient moins chères. Tout en buvant quelques jus de fruits ou autres limonades, nous évoquons les voisins et des souvenirs tout en nous laissant, comme à chaque station de ce chemin de vie joyeux, photographier par Paul-Henri, le cadet des enfants de Jean-Louis, qui nous rappelle, malgré sa rapidité à opérer, le vieux cousin du côté du grand-père paternel, Georges Chohobigarat, qui prenait un temps fou à nous faire poser pour tirer un cliché. Henri Poitevin, dernier cousin germain, qui a vécu 6 mois dans cette maison alors qu’il était jeune ado, en profite pour nous rejoindre avec sa femme Dominique.
C’est aussi de là que nous partions, comme aujourd’hui, pour l’église Sainte-Eulalie et le patro des Coqs-Rouges. Habitant ce presbytère, les autres prêtres et les étudiants qui y logent s’étant absentés, nous pouvons sans gêner qui que ce soit bénéficier des lieux récemment restaurés. La salle saint Vincent de Paul donne directement sur l’extérieur où les plus jeunes finissent par s’installer. Chacun peut entrer et sortir sans s’éloigner du buffet dressé par Mathilde et auquel Thomas ajoute quelques rillettes de canard et autres jambons, fruits de son travail.
Quasiment tous ceux qui sont attendus se retrouvent là. Pour ne citer que les petits enfants du jubilaire Thaddée, Esther, Eulalie, Martin, Jean-Baptiste, Quitterie sont là, Maylis devant nous rejoindre avant la dernière étape. Mais ne soyons pas chiches c’est là aussi que nous rejoignent les amis de Jean-Louis Brigitte Brousset et sa fille Marie-Laure.

Alors que l’époque nous invite à courir, nous avons pris le temps d’être là. Vers 16 heures nous partons en ordre dispersé, qui en bus depuis la Place de la République, face au tribunal où nous n’avons heureusement aucun souvenir à raconter, qui à pied, qui sur son vélo-cargo de location, …. Nous passons le Pont de Pierre qui entrera en travaux le surlendemain et nous retrouvons au quartier du Belvédère, avec la famille Gertoux, François et Muriel, Benoit, Elena et leurs filles, Camille et Adrien, pour faire une bonne pause, d’abord en plein soleil, sur la terrasse d’un bar faite de tables et de bancs comme on en trouve lors de fêtes populaires. La disposition elle-même du lieu donne envie d’être là, un peu comme en Espagne, sur la place qui fait le lien avec le Pont Saint-Jean que nous traversons pour passer devant les travaux de la future rue de la Canopée. Nous faisons un crochet rue Morion où la famille de Jean-Louis a habité plusieurs années et rejoignons à nouveau la rue Terres-de-Bordes qui longe la gare Saint-Jean juste au moment où Maylis, fille de Thomas, descend du train.
Le pont de la Palombe nous permet de regarder le nouveau quartier Euratlantique avec ses immeubles qui ont l’air de se répondre les uns aux autres, dont le Campus François d’Assise où siège l’enseignement catholique avec un partenariat de quatre autres entités liées à l’enseignement.
Je ne sais pas où « ils » nous embarquent mais je sais que ça devrait me plaire, d’autant plus que d’autres encore nous rejoignent comme Philippe Sarrat, parrain de Pierre-Etienne et sa compagne Marie-George. Le repas du soir se fait autour d’une grande table tout en longueur où l’on dirait que l’on a fait exprès de se répartir par tranches d’âge, les plus âgés le plus loin possible du bruit, les plus jeunes au plus près ; ils finiront d’ailleurs par participer aux jeux animés avec énergie et voix forte qui se disputent par équipes.
C’est vers 22h30 que se fait la séparation. Je ne sais combien de personnes sont passées au fil de l’itinéraire (7 km) mais j’ai personnellement bien vécu cette journée originale, animée avec discrétion et efficacité.
En quittant les derniers et en les remerciant, Pierre-Etienne me dit qu’il a aimé faire cela et qu’il se sent prêt à remettre le couvert pour mon départ à la retraite. Dans notre vocation, il est rare de fêter le départ à la retraite, mais fréquent de célébrer le jubilé de l’ordination presbytérale.
Je le mets au défi de participer à l’équipe qui organisera cette fête et l’invite, pour s’y préparer, à lire le livre en cours d’écriture que j’aurai, je l’espère, fini de rédiger.
Rendez-vous le samedi 3 juin 2028, si Dieu nous prête vie ! Nous vous ferons part des lieux de rendez-vous d’ici-là.
Gérard Faure, le 4 mai 2025

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